The Shift Project

3 questions à … Matthieu Auzanneau (Dir. du Shift Project)

SMCL : Le climat est un enjeu majeur. D’un sujet de diplomatie internationale, il est devenu un sujet concret qui engage tous les acteurs publics, en premier lieu les collectivités locales actrices de la gestion du quotidien. En tant que think-tank spécialisé dans l’action climatique, quel rôle, quelle place les collectivités, selon vous, jouent-elles, dans la réalisation des transitions énergétique et écologique ?

Matthieu Auzanneau : Un rôle absolument décisif. Tout d’abord parce qu’il est évident que les politiques de résilience et d’adaptation face au changement climatique seront locales ou ne seront pas. Ensuite parce que l’évolution du tissu économique et de l’organisation même de la société que nécessite la transition énergétique ne peut être conçue, comprise et mise en œuvre qu’à une échelle locale,… à condition de s’inscrire dans un schéma cohérent plus vaste. En France, c’est à la République dans son ensemble d’établir ce schéma cohérent, mais il appartiendra en très large part aux collectivités locales de le mettre en œuvre.

SMCL : L’action locale est souvent appréhendée comme l’échelle la plus concrète, la plus efficace pour changer nos quotidiens et nos modes de vie, à savoir les décarboner. Mais les élus locaux, élus de terrain, et les agents territoriaux sont aussi les premiers à se confronter aux insatisfactions, aux mécontentements, aux difficultés des habitants. Comment faire, localement, pour concilier exigences environnementales et  vie pratique, répondre aux besoins de mobilités, de construction, de développement économique, d’emploi … souvent perçus comme contraires ?

Matthieu Auzanneau : Je reviens à cette notion de schéma national cohérent, ou de plan pour dire les choses plus simplement : au Shift Project, il nous apparaît évident que rien ne pourra être entrepris localement sans qu’un débat national patient et audacieux n’ait d’abord abouti à un tel plan, dans lequel la nation aura en premier lieu considéré le sort de ceux qui peuvent avoir beaucoup à perdre dans la transition – jusqu’à leur emploi. Les gilets jaunes ont manifesté la nécessité d’une telle conversation nationale. Leur mouvement a débouché sur la Convention citoyenne pour le climat, qui a été une très encourageante préfiguration de cette conversation, qui devra être au centre du prochain quinquennat.

SMCL : La crise sanitaire est venue nous rappeler à quel point nos sociétés sont vulnérables face à des phénomènes environnementaux tel un virus transmis à l’homme par l’animal du fait de l’activité humaine. La résilience territoriale devient un enjeu majeur qui sera abordé lors du prochain Salon des Maires et des Collectivités locales. The Shift Projet aura l’occasion d’intervenir. Comment appréhender vous la résilience pour agir face au dérèglement climatique et ses conséquences inéluctables ?

Matthieu Auzanneau : Là encore, il faut revenir à la notion de plan cohérent, local cette fois. Pour établir un plan, il faut commencer par l’état des lieux : comprendre ce que seront les impacts du réchauffement climatique, et en déduire les risques mais aussi les opportunités. A partir de là, ce sont tous les leviers pertinents de l’action publique locale qui peuvent être mobilisés. Le défi délicat de la transversalité devra impérativement être relevé : le problème posé étant systémique, sa solution devra l’être aussi, nécessairement.